claude a écrit :Je ne suis pas sûr du tout qu'une analyse ait été faite auprès des lecteurs de BD pour conclure que c'est Coria qui bloque les ventes ou que c'est le personnage de Bob Morane.
Il n'y a pas vraiment besoin d'une étude. Tous les éditeurs savent quelles peuvent être les éléments qui influent sur les ventes d'une série.
Globalement il y en a deux :
(1) La série a fait son temps. Quoi qu'on en dise ça peut se produire. IL y a des BD anciennes qui n'intéresseront que ceux qui les ont connues jadis, par nostalgie. La seule approche possible sera de donner une nouvelle orientation à la série, contre laquelle se répandront logiquement les "vieux" ou alors de la mettre au placard en espérant la ressusciter un jour (façon
Battlestar Galactica à la TV, mais ce n'est pas une garantie de succès ; cf. les tentatives ratées de ressusciter
K2000 et
Bionic Woman).
(2) Les "créatifs" de la série (scénariste et dessinateur). Là on sait depuis longtemps que les lecteurs y sont sensibles. Combien ici qui adorent un dessinateur de Bob pour en vouer un autre aux gémonies (au hasard Leclerc contre le style "manga-like" duquel j'ai lu tant et pis dans ces colonnes).
C'est les USA qui ont le plus pu observer le phénomène puisque la plupart des séries sont la propriété des éditeurs qui font tourner les équipes créatives dessus.
Dans les années 90,
Sensational She-Hulk (qui vendait dix fois plus que la précédente série consacrée au même personnage dans les années 70,
Savage She-Hulk) avait perdu un gros tiers de son lectorat lors du départ de John Byrne. A l'inverse,
Thor qui était une série quasi moribonde dans les années 80 a vu ses ventes monter en flèche pour arriver dans le Top 10 de Marvel lorsque Walt Simonson l'a pris en main (et s'est à nouveau tassée après son départ). Il y a peu, DC était tellement persuadé -à raison- du résultat sur les ventes qu'ils ont communiqué huit mois à l'avance sur l'arrivée de Neil Gaiman (la BD
Sandman, les romans
Neverwhere, Coraline, American Gods) sur Batman il y a deux ans (pour un run d'une dizaine de numéros si je me souviens bien). Aujourdh'ui encore, les éditeurs communiquent sur les dessinateurs qui vont s'occuper de telle ou telle série parce qu'ils ont pu constater que "untel avait fait fait grimper les ventes de toutes les séries sur lesquelles il a travaillé". Ca peut plaire ou pas. Cf. le passage "manga-like" sur Spirou qui a déchainé les foudres des vieux de la vieille. J'ai pas suivi la série mais de deux choses l'une : où les ventes ont été mauvaises et l'éditeur est revenusur un dessinateur plus classique, ou elles ont été très bonnes et ça aura continué comme ça.
Après certains dessinateurs collent mieux que d'autres sur un personnage et pas sur un autre. Après le départ de Gene Colan de Daredevil, la série est passée de mains en mains durant plusieurs années, aucun dessinateur n'arrivant à dynamiser le personange, jusqu'à l'arrivée de Frank Miller, d'abord comme dessinateur, puis scénariste/dessinateur puis scénariste.
Pour prendre un exemple avec une thématique proche de celle de Bob (et en pensant au test de je ne sais plus qui dont parlait Serge dans un autre topic), DC avait dans les années 80 ramené des personnages de pulp (The Shadow, Doc Savage) en comics en les transposant dans le monde moderne. A l'usage, il s'est avéré que le lectorat n'appréciait pas (le passage du Shadow à l'époque actuelle avait marché tant que Bill Sienkiwicz s'en occupait pour s'effondrer ensuite, encore un exemple de l'importance de l'équipe créative pour les ventes) et les deux séries sont repassées à leur époque d'origine par la suite.
Je parle des US mais on aura la même chose de ce côté ci de l'Atlantique, même s'il faut bien dire que les éditeurs américains ont un avantage énorme, le rythme de parution. Ce n'est pas avec un album par an qu'ils peuvent juger de l'adéquation de la conjonction entre un personnage et ceux qui créent ses aventures mais mois par mois.
Maintenant comment l'éditeur va-t-il chercher un nouveau créatif ?
Pour les dessinateurs, j'ai cité une analyse qu'on a développée devant moi, un peu plus haut.
En ce qui concerne les scénaristes aussi, la façon d'écrire évolue.
Exemple provenant des comics US encore une fois : Jusque dans les années 80-90,les encadrés "circonstanciels" (les "Pendant ce temps...") étaient systématiquement à la troisième personne. Depuis dix-quinze ans, on n'en trouve plus aucun comme ça. Tous les encadrés sont à la première personne, comme des commentaires du héros/narrateur (façon Philip Marlowe ou Mike Hammer). Ils sont également beaucoup moins descriptifs de l'action que jadis (on ne trouve en fait plus de "Pendant ce temps") et beaucoup plus commentaire de celle-ci et de son impact sur les personnages.
Pour les vieux lecteurs qui ont pris l'habitude des anciennes méthodes à l'époque, ça passe.
Pour les jeunes lecteurs, les encadrés "classiques" font "vieux".
Il y a eu des évolutions similaires au cinéma (on ne filmait pas dans les années 30 comme dans les années 40 comme dans les années 50 comme dans les années 60 comme dfans les années 70 etc.). Parce que l'évolution des matériels (caméras, pellicules, etc.) permettait de nouvelles façons d'utiliser les appareils de prises de vues. Et je ne parlerai même pas des "tics" apparus après une bele utilisation par un ou l'autre cinéaste (les trèèèèèèèès longs travellings inaugurés par Kubrick, les effets de ralentis omniprésents depuis Matrix, etc.)
idem dans la littérature où Lovecraft en son temps, puis King dans les années 70, ont chacun à leur tour révolutionné la manière d'écrire un récit d'horreur. Après eux, on pouvait écrire comme "avant", mais ça fait "vieux". Ca se sent. De même le récit policier a basculé sous l'influence de Hammett et Chandler.
Note : Je n'ai pas parlé comme influence sur les ventes des campagnes promo parce que celes-ci ne CREENT pas les ventes, elles ne font que les AMPLIFIER. Je ne me souviens plus de l'estimation moyenne mais on va dire 10% pour l'exemple. Sur une série qui tire à 200 000 exemplaires, la promo fera gagner 20 000 lecteurs. Sur une série qui tire à 5-10 000, elle n'en fera pas gagner 1000. Du coup les éditeurs, qui (1) ne peuvent pas financer une campagne promo pour
tous les titres et (2) ne peuvent pas en lancer
plusieurs en même temps du fait du risque qu'elles se parasitent l'une l'autre, en sont réduits à une dizaine de campagnes dans l'année, au maximum. Vu qu'il faut que l'effet sur les venters ait une chance de au moins couvrir les frais de la campagne de pub, ce sont les séries qui en bénéficieront le plus (donc déjà les grosses ventes) qui y ont droit, et pas les séries toutes nouvelles (sauf gros argument de vente sur le dessinateur ou le scénariste -"la nouvelle serie de Jean Van Hamme (XIII, Largo Winch)"-) ou considérées (à tort ou a raison) comme "en fin de course".
"Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît." (F. Naudin)