Je viens de le terminer, pour moitié tranquillement chez moi, et pour autre moitié dans un petit bistrot de quartier, avec, pour cette fois, l'ambiance un peu fiévreuse et colorée d'une fin de soirée agrémentée par l'intrusion d'une paire d'ivrognes en mal de reconnaissance sociale, avec la panoplie complète (une gueule plus grande que le cerveau, etc) ... ça m'a plu
Je reprends la bonne méthode de S.S.S :
Le Plus :
- Une aventure comme je les aime, du dépaysement, de la rencontre, du mystère et de bonnes bagarres, bref du Bob Morane.
- Enfin, on retrouve un Bill Ballantine plus actif, plus intelligent et autonome que ce qu'on a eu l'habitude de nous infliger durant les derniers romans ou BD.
Dans une des scènes finales, on retrouve un peu le Bill Ballantine entreprenant de "Panique dans le Ciel", par exemple, dans une moindre mesure, certes, mais avec humour.
- Au sein de l'aventure des Arrowukas, on est rassuré par la mise en place d'événements, de tissage de "réseaux sociaux", (au sens non-internet du terme), qui devraient aider Bob à se déterminer dans les prochaines Nouvelles Aventures (la nouvelle amitié avec la nouvelle "copine" d'Aristide, par exemple)
Le Moyen :
- Nombre de pages (c'est récurrent)
- Dans la suite du point supra : on a parfois l'impression qu'un quelconque quota maximum de pages ou de lignes par chapitres empêchent Gilles de pouvoir un peu mieux détailler certaines scènes, certains personnages. Tupaleké, j'aurais aimé avoir une description un peu plus touffue que ce qu'on nous offre ici, par exemple.
Le Moins :
- J'ai hésité à mettre ce point en "Moyen" : ce passé d'un monde parallèle, il m'a empêché de me concentrer sur l'aventure en elle-même pendant le premier tiers du roman. Sans cesse je me sentais perturbé par les multiples questions et paradoxes que soulève cette duplication. En un roman, on a deux intrigues, en fait, dont on ne sait décider quelle est la principale de la subsidiaire : faut-il considérer l'aventure en Guyane comme secondaire, et s'attarder à démêler le puzzle de cette duplication ? Ou au contraire, faut-il très vite considérer cette duplication comme un artifice de notre nouvel écrivain, et ne lui prêter que peu d'attention, afin de mieux goûter les Nouvelles Aventures que Bob et ses amis vont vivre ? (j'aurais tendance à pencher pour cette seconde possibilité)
- Dans la continuation du point supra, juste deux exemples :
Page 12 : "Mais un Paris qu'il n'avait pas connu, et qu'il lui fallait découvrir"
Ah bon ? Donc Bob Morane conserve forcément dans sa mémoire l'existence et l'histoire de l'Ombre Jaune, (qui l'a envoyé dans ce monde parallèle), mais il ne reconnaît pas un Paris d'une époque où pourtant il a retrouvé pour la première fois monsieur Ming (qu'il apprendra plus tard être cette Ombre Jaune) dans un Paris de la fin des années '50, comme montreur de singe (cf : "L'Ombre Jaune").
Page 25 : renvoi d'annotation en bas de page, pour expliquer le personnage de Frank : "Lire... et "La galère engloutie"
Mais s'il faut expliquer comment Bob Morane connaît Frank Reeves, en renvoyant le lecteur au 2ème roman des aventures de BM, il faut alors admettre que dans "La galère engloutie", Bob Morane connaît très bien le Paris de l'époque (1954 du moins, cela ne doit pas être trop différent de celui de 1953) lorsqu'il assiste à une vente aux enchères avec son ami Frank Reeves. Et donc, s'il connaît Frank Reeves, il se souvient des premiers moments de leur amitié. Alors, pourquoi dit-on qu'il ne reconnaît pas ce Paris là ?
Bref, ces deux simples exemples illustrent la difficulté pour le lecteur peu futé que je suis de comprendre quels sont les souvenirs que l'Ombre Jaune a effacé de la mémoire de Bob Morane, quels sont ceux qu'il lui a laissé, et ceux qu'il a créé.
Et de ce fait, surgit ici le souci du lecteur de s'y retrouver par rapport à quels souvenirs, et jusqu'à quelle époque ceux-ci peuvent déterminer la personnalité de Bob Morane dans son nouvel univers.
On a aussi l'impression que, finalement, le Bob Morane réserviste dans la RAF, aux multiples victoires contre les allemands, et bien ce n'est que du vent, cela n'a jamais existé, si ce n'est dans ce nouvel univers parallèle. (n'étant vraiment pas un amateur des +/- 100 dernières aventures de BM (hormis ces Nouvelles Aventures), je ne me suis jamais posé la question de savoir comment l'auteur résolvait ce paradoxe d'un BM des années 90 étant en même temps un réserviste à la RAF, mais bon)
En conclusion :
Je reste optimiste quant à l'avenir de ces Nouvelles Aventures, car je retrouve des théâtres d'action et protagonistes qui m'interpellent d'avantage que des monstres de métro ou autre copie de Joker, et que les personnages de Bob et Bill me semblent plus proches de ce que j'en avais découvert dans mes jeunes années Marabout.
Mon espoir : que dans la narration des prochains romans, on puisse se distancier de plus en plus rapidement de cet aspect "duplication" et autres paradoxes de monde parallèle. Je suis prêt à accepter aveuglément toute nouvelle aventure de Bob Morane dans ce cadre vintage, (pour autant qu'on y retrouve l'esprit aventureux et de voyage des débuts), du moment que l'on ne parasite pas trop ces pérégrinations par les aléas de cette piégeuse Duplication.