Lettre d'un ancien rédacteur en chef de Reflet

[rarotonga]

Mon ami n'étant pas famillier des forums m'a envoyé ce mail et m'a demandé de le publier pour lui, voici qui est chose faite.

Jamais je n'interviens sur le forum; le monde des nouvelles technologies n'est pas le mien. Par contre, je suis plus ou moins capable de lire ce qui s'y dit et il m'arrive avant un événement moranien d'aller y "prendre la température".

Après avoir reçu hier l'article où Henri remet les pendules éditoriales à l'heure, je me suis dit que, vu la date une fois de plus, il serait bon d'aller jeter un coup d'oeil.
Or, le jour même des 60 ans de la parution du premier Bob Morane, j'ai été tout de même un peu étonné de voir quelqu'un dire d'Henri : "Quel personnage décevant" (...) "Incohérent dans ses propos", relayé par un autre : "On retrouve dans cette interview toute l'incohérence et toute la suffisance qu'on a pu lire dans ses mémoires".

On peut ne pas apprécier quelqu'un et cela arrive souvent. La civilisation où nous vivons propose plusieurs solutions : le lui dire et régler le différend, l'assassiner et assumer les conséquences ou la fermer une bonne fois pour toutes en réalisant qu'on sera bien soi-même un jour le c... de quelqu'un d'autre.

On peut ne pas aimer l'oeuvre d'un écrivain et à ce moment, la solution est très simple : on-ne-le-lit pas ! L'offre - pour utiliser un vulgaire terme de commerce - est suffisamment étendue. J'ai entendu de multiples détestations d'Amélie Nothomb qui est pourtant une personne charmante, d'une rare courtoisie et qui réserve à tous en dédicace un petit moment qui laisse le souvenir d'une longue conversation à bâtons rompus... D'accord, j'adore son style et, professionnellement, je lui constate un vocabulaire tout de même un peu plus étendu que celui du plouc moyen. Celui d'Henri l'est aussi, au fait ...

Seulement voilà : le talent, l'intelligence et le succès, ça fait beaucoup de jaloux parmi ceux qui n'ont pas encore eu leur quart d'heure de célébrité (j'éviterai de décerner ici des noms d'oiseaux).

La principale raison pour laquelle je ne participerai pas à un éventuel revival du Club est que, au fil des années, j'ai vu y apparaître d'étranges personnages issus du lectorat moyen et qui ont commencé à se piquer d'écrire des Bob Morane "à la manière de ...", certains parvenant même à les publier, parfois (mais pas toujours) avec l'assentiment puis, en effet, le regret rétrospectif du véritable auteur. J'ai aussi vu se former une sorte de marque commerciale "Bob Morane" sous laquelle on a proposé toutes sortes de produits dérivés dont assez curieusement la majorité étaient, non pas des figurines ou des accessoires (comme par exemple un Walther PPK à amorces pour un autre personnage), mais bien des imitations littéraires ou graphiques, souvent médiocres ou, au mieux, serviles.
Un jour où je m'ennuyais, j'ai écrit en une heure une nouvelle de 3 pages mettant en scène Bob, Bill, Ming et ... Jean-Pierre Marty. Mon lectorat en a bien rigolé et, heureusement pour la postérité, cela s'est arrêté là !

J'ai eu de plus en plus le sentiment qu'à la fréquentation bienveillante d'un écrivain de talent et à succès, d'aucuns se sont un peu monté le bourrichon, jusqu'au point de trouver gênante la présence de l'écrivain en question. J'en ai entendu se plaindre de "Vernes qui ne signait plus qu'un seul bouquin à l'AG". Il est vrai que si ledit Vernes n'acceptait plus de donner une plus-value à leur précieuse collection, on pouvait tout aussi bien nommer quelqu'un d'autre à sa place pour assurer la pérennité de la marque et du produit, n'est-ce pas ?
Il s'en est pourtant trouvé d'autres pour participer à la perpétuation de l'oeuvre même, en nous livrant un petit bijou de sensibilité comme "La première hache"...

Devant certaines pratiques commerciales ces dernières années et l'accueil favorable que beaucoup leur ont réservé, j'ai senti grandir un écoeurement irrépressible. Non pas qu'il faille maintenir délibérément une distance entre l'écrivain et ses lecteurs, au contraire même (cela dépend essentiellement de la personnalité de l'auteur) mais la facilité avec laquelle un texte se diffuse sur Internet fait croire à beaucoup qu'ils sont devenus eux-mêmes des auteurs accomplis ou que le fait de serrer la pince à Henri une fois par an les met sur le même piédestal ... d'intelligence, de talent et de succès.
C'est tout de même un peu jeter des perles aux pourceaux, non ? Insulte pour insulte, tant qu'à faire ...

De là à trouver décevant celui à qui Le Soir a consacré hier une pleine page d'hommage ... 'faudrait voir à ne pas sombrer dans le ridicule.


Eric Etienne

[jean-yves]

bien ce point de vue exterieur
un peu aigri peut etre mais bon , c'est son ressenti de " défenseur " du maitre
il généralise sans doute un peu trop, tous les auteurs " a la maniere de" n'ont pas la grosse tete par exemple , et henri vernes aime moins son personnage que certains lecteurs , d'ou leur reaction comprehensive, meme si un peu trop nostalgique ( naive ? ) parfois . Et on peut bien sur lire l'oeuvre d'un romancier sans aimer celui-ci , et les participants du forum ne parlaient pas je crois de l'oeuvre , mais de l'auteur
en tout cas , on peut renvoyer la balle , reflets a toujours du naviguer entre vernes , les membres du club , les editeurs etc etc , difficile excercice entre les humeurs differentes de chacun , et on ne peut pas dire que reflets ai été 100% objectif ( comment accepter des critiques contre un auteur , un editeur qui sont liés indirectement au fanzine ? )

[Michel D]

De mon côté, je suis entièrement d'accord avec son point de vue concernant le mercantilisme qui s'est fait autour de Bob Morane. Dans d'autres messages postés ici, j'en parlais comme des "Marchands du Temple". Mais je ne pense pas que ceux qui ont écrit des histoires "à la manière de" en aient attrapé la grosse tête et se soient pris pour de grands écrivains.
Pour ce qui est d'Henri Vernes, je maintiens ce que j'ai dit. une analyse critique de ces mémoires montrera sa suffisance, son narcissisme. D'un certain côté, il me rappelle un boxeur des années 60 (Cassius Clay) qui criait sur le ring "Je suis le plus grand, le plus beau, le plus fort". Et puis il y a cette manière de se disputer avec tout le monde, de jeter les gens qui lui ont servi lorsqu'il n'en n'a plus besoin .. même par personne interposée (Cfr entr'autres Dino Attanasio, et certains personnages marquants des années Marabout). Je n'invente rien : analysez bien ses mémoires.

[Foxtrot's Goldwing]

Ben, peut-être que si certains disciples en adoration devant ce qu'ils nomment eux-mêmes "le Maître" avaient été un peu moins dithyrambiques dans leurs commentaires, la tentation de paraître narcissique aurait été moins présente. Bien que personnellement je le retrouve pas dans ces qualificatifs.
D'autre part qui sommes-nous pour "juger" un homme, sa vie, son attitude, ses choix et le fustiger quand il ne correspond pas à l'image que l'on voudrait s'en faire...surtout si ce sont les mêmes juges qui l'ont installé sur ce piédestal...

Quant à estimer "aigri" toute personne qui dit ce qu'il pense......

@ michel : Grand merci pour les liens...... j'y suis arrivé..!!!!..si, si..comme quoi... Dieu existe