Une autre.
Un brave prêtre d'une petite paroisse animé très fortement par la foi explique depuis toujours à ses ouailles que les pires difficultés ne sont jamais définitives, car Dieu au dernier moment envoie toujours un signe pour sauver le croyant.
C'est ainsi qu'un jour, la pluie se met à tomber sur le village pendant des semaines et des semaines . Un dimanche les paroissiens sont tous rassemblés dans l'église; et le prêtre leur explique que si le niveau de la rivière a considérablemnt monté, ce n'est pas grave, car Dieu interviendra pour éviter que tout le monde se noie . Les paroissiens, conseil municipal en tête, décident de rester .
Et l'eau monte chaque jour.La rivière est sortie de son lit et quelques centimètres d'eau sont apparus dans les maisons situées au plus bas dans la commune.
La gendarmerie de la circonscription dépêche une estafette en canot pour demander si tout va bien. Le prêtre entouré de tous ses paroissiens rassure les hommes en bleu.
Et l'eau continue de tomber et de monter. Les maisons les plus basses sont maintenant inondées jusqu'à mi-chaise . Les autorités passent en canot , mais les habitants, notre prêtre en tête , assurent que tout va bien.
Et la pluie incessante fait toujours grossir les flots. Les premières maisons sont ennoyées juqu'au premier étage; le reste du village est sous une nappe de quelques centimètres, sauf l'Eglise qui est située sur une petite colline . Les autorités viennent en canot observer et demander si elles peuvent être utiles . Les paroissiens indiquent que la soilidarité joue à plein et que les habitants aux maisons les plus inondées ont trouvé à se reloger avec tous leurs biens chez les voisins du haut du village.
Et les nuages continuent à s'essorer à longueur de journées. Il arrive un temps où tous les habitants sont invités par leur curé à se réfugier tranquillement dans l'église en attendant que le ciel se calme. Le sous-préfet est tenu au courant de la situation et demande aux gendarmes de passer 2 fois par jour en canots pour approvisionner les paroissiens qui ont confiance en Dieu.
Et l'onde s'amplifie encore. L'eau a maintenant nappé sur quelques centimètres les dalles de l'église. Les familles ont décidé de laisser partir les enfants, les malades et les personnes âgées dans les canots pneumatiques des gendarmes. Les autres paroissiens, dynamisés par leur prêtre, expliquent qu'ils doivent rester par respect pour le village, car la pluie va s'arrêter,c'est forcé .
Et l'eau gagne encore du volume. Les femmes sont parties sur insistance des autorités dans les canots de la gendarmerie. Ne restent plus que les hommes qui se sont installés sur les éléments les plus hauts de l'église . Le prêtre explique qu'il a toujours confiance en l'intervention divine et que le reflux est proche.
Et la rivière qui n'en finit plus de déborder. La gendarmerie s'inquiète et les paroissiens finissent par abandonner les lieux dans les nombreux canots qui viennent les chercher, car il n'y a plus que 2 mètres d'espace entre la surface de l'eau et le haut du chambranle de l'énorme et haute porte d'entrée de l'Eglise.
Le prêtre continue à résister à toutes les suppliques des autorités accompagnées maintenant de celles de ses irréductibles fidèles. Mais notre bon prêtre assure que Dieu interviendra . L'esquif des gendarmes s'éloigne donc.
Et l'eau continue à envahir la grande salle de l'église .
Un canot arrive quand même à se glisser sous la porte et s'approche du prêtre qui s'est réfugié en haut de la chaire. Il décline à nouveau l'invitation .
Les flots continuent à progresser jusqu'à ce qu'ils engloutissent totalement église et prêtre.
Le prêtre après un court instant de sensation de manque d'oxygène se retouve devant Saint Pierre . Là il n'hésite pas à protester immédiatemeent. Pourquoi Dieu a t-il abandonné son prêtre fidèle; c'est une trahison à l'égard de la paroisse .C'est un scandale.C'est inadmissible . Et patati.Et patata. N'ayant plus de vocabulaire à sa disposition pour exprimer son indignation, il laisse alors la parole au bon Saint Pierre . Saint Pierre de sa voix de stentor, mais douce et onctueuse explique alors :"mon fils, enfin ! Qui croyez-vous vous a envoyé le dernier canot dans lequel vous avez refusé de monter ?".