Le p'tit vieux vous salue bien.
Vous voyez, je vous l'avais dit, rien qu'à penser aux années où j'avais lu mes premiers Bob, j'en avais pris un coup. Bof ! Comme dirait l'autre : "on n'a que l'âge de ses artères" alors j'espère que les miennes vont tenir encore un petit bout de temps, de quoi lire encore quelques Bob Morane.
Tout cela m'amène à vous faire partager quelques souvenirs (Si vous avez le courage de lire ce qui va suivre ...)
J'étais en apprentissage (1959-1962) et c'est un camarade qui m'avait prêté "Le masque de jade", mon 1er B.M. J'avais été tellement emballé que pas mal ont suivi, en fait tous ceux qui étaient sortis entre 1953 et 1960 environ.
Après 1960, je me les suis achetés au fur et à mesure qu'ils sortaient et bien sûr ce qui était terrible, intenable, c'était l'attente. Alors que je venais de lire en quelques mois une trentaine de B.M. (je vous parle pas des leçons...), il me fallait désormais attendre 2 mois pour voir apparaître une nouvelle couverture à la vitrine du libraire : l'enfer.
Je parle de couverture car, incontestablement, c'étaient celles-ci qui nous attiraient. Nous étions dans l'aventure avant même d'avoir ouvert le livre.
Pour bien comprendre ce que je veux dire, il faut se transposer en 1960 où les jeunes n'avaient pratiquement aucune ouverture sur le monde. A la télévision : 1 seule chaîne et en noir et blanc. Dans les magazines peu ou pas de photos en couleurs et surtout peu de magazines qui parlaient de voyages, d'aventures... Alors avec ces couvertures nous entrions de plein pied, non seulement dans l'aventure mais aussi dans des contrées inconnues, mystérieuse qu'H.V. nous dévoilait ensuite et où nous attendait l'action et l'aventure.
Ah, ces trop belles couvertures de Joubert...
Pour aller à l'école qui se trouvait à Paris -j'habitais alors la banlieue- je prenais le métro. Il y avait une station qui se trouvait pas très loin de l'école. Mais je ne descendais jamais à celle-ci car le trajet à pied était trop court et surtout, il n'y avait pas de librairie sur le chemin. Je descendais à la station d'avant et là, je devais passer devant une petite librairie pour arriver à l'école.
La petite rue où se trouvait cette librairie faisait un coude, un angle droit et la petite boutique se cachait bien au creux du coude.
Je ne vous raconte pas l'impatience d'arriver dans l'angle. Du plus loin que je pouvais, je tentais de voir si dans la vitrine quelque chose avait changé depuis mon passage de la veille. N'y avait-il pas une tâche de couleur nouvelle ?
La couverture des Marabout étant bien caractéristique, je les repérais de loin. Les battements du coeur s'accéléraient et suprême déception, quand un nouveau B.M. était là, c'était qu'à l'heure où je passais le matin, la boutique était encore fermée. Il me fallait attendre le soir, la sortie, pour aller acheter le livre (nous n'avions pas le droit de sortir à l'heure du déjeuner).
Ceci est peut-être difficilement croyable maintenant, à notre époque, mais je vous assure que ce n'est pas exagéré.
Je me souviens parfaitement. Je les revois dans la vitrine, à gauche, juste dans le coin : Le démon solitaire, Le diable du Labrador, La revanche de l'O.J., L'homme aux dents d'or (qu'elle était affreuse cette couverture et je n'ai pas changé d'avis) et le temple des crocodiles (l'homme avec son coutelas rampant entre les crocodiles et épiant Bob, Bill et le Professeur...). Que de mystères en promesses !
Aussitôt dans le métro, j'entamais la lecture (toujours après avoir lu le résumé au dos) et chez moi, vite avalé le dîner, la toilette et en oubliant souvent les devoirs et les leçons, je rejoignais Bob et ses amis et ses ennemis pour... l'aventure. Généralement, le livre était terminé dans la nuit.
Une dernière chose. Entre les parutions de Bob Morane, il me fallait m'occuper à lire autre chose. H.V. m'avait donné le goût de lire. J'avais soif de découvrir, ou peut-être de rechercher "d'autres" B.M.
C'est depuis cette époque que j'ai toujours un livre avec moi. Et j'ai découvert Arsène Lupin, Rouletabille (ah Rouletabille. Prodigieux ! Ne jamais perdre le bon bout de la raison et comment, déjà ? "Le jardin n'a rien perdu de son éclat, ni le presbytère de son charme..." ou le contraire peut-être ?) et bien sûr tous les autres...
Ces livres étaient le plus souvent des Livres de Poche et savez-vous ce que je n'ai jamais oublié non plus, de ces livres bon marché : c'est l'odeur qu'ils avaient à l'époque et qu'ils ont conservée.
Malheureusement, aujurd'hui les livres n'ont plus d'odeur.
Il y a un peu plus de 2 ans, j'ai déménagé et suis venu en Hte Savoie. Mes livres sont restés enfermés dans des cartons pendant presque deux ans. Quand j'ai rouvert ces cartons pour ranger mes livres sur les étagères de la bibliothèque et bien cette odeur a ressurgi.
Voilà à quoi tiennent les souvenirs : quelques images, quelques odeurs, quelques livres rencontrés au coin d'une rue... et bien sûr aussi beaucoup d'autres choses.
Avez-vous eu le courage de lire jusqu'ici ?