Voilà ...Le camion, un gros Kennworth américain, s’arrêta en soufflant et grognant devant l’enceinte du bâtiment. Sophia sauta à terre et entra en trombe dans le bureau du poste, secouant son manteau plein de sable et de poussière, et son appareil photo en bandoulière, qui ne l’avait plus quitté depuis qu’elle avait embarqué à Djanet.
Ahmed l’avait fait appeler. Il y avait quelqu’un au téléphone pour elle, qui attendait, qui n’était pas Lignac, mais un autre homme, dont le khodja n’avait jamais entendu la voix jusqu’à aujourd’hui. Et il fallait qu’elle fasse vite. La liaison était mauvaise. Sophia sourit. " Dans ce coin perdu, lui avait dit l'officier à Alger, la liaison a toujours été mauvaise et elle le restera probablement jusqu’à la fin des temps" .
Des yeux, la jeune femme chercha le téléphone.
« Choûf ! » lui dit le petit homme en lui désignant le minuscule réduit dans lequel s’entassait tout un fatras d’objets anonymes couverts de saleté et de poussière. Parmi eux, à coups sûr, certains vestiges de l’époque où les frères Estienne, désireux de faire passer leurs timmaboula dans le Tanezrouft, avaient balisé la piste avec plusieurs bouteilles vides, des bouts de ferrailles et de vieux bidons vides, comme ceux qui se trouvaient là aujourd’hui, au centre de la minuscule pièce.
Sophia bondit en avant, jouant des coudes, bousculant au passage les hommes qui allaient et venaient, mécaniciens, chefs d’atelier, pilotes, graisseurs, et les autres, qui regardaient avec dédain ou envie cette petite bonne femme qui voulait se mesurer avec les lois du pays, et se réfugia dans la petite pièce où trônait le poste téléphonique.
[...] C’était Bob. [...] Tandis qu’il parlait, elle regardait l’entrée du réduit, et le couloir qui le prolongeait. [...]
La fois dernière, cela avait été son tour de parvenir à joindre Bob Morane, qui se trouvait quelque part au fin fond du San Felicidad, en Amérique centrale, et alors que trois villes, un océan, un désert de sel et une forêt vierge les séparaient tout les deux.
Ses joues devaient être couvertes d’une barbe de plusieurs jours, ses vêtements en haillons, qui sait s’il ne poursuivait pas alors l’un ou l’autre trafiquant, pourtant, c’était le plus naturellement du monde que le français s’était vu demandé – le combiné crachant et sifflant cette voix de femme que Morane aurait su reconnaître entre mille - « si cela allait, là-bas, loin de son quai Voltaire ? ».
Bob avait rit, se jurant bien de rendre à la jeune journaliste la monnaie de sa pièce.
Aujourd’hui, c’était lui qui l’appelait pour l’inviter bientôt à ... Une exposition ? ... En France ?
Sophia s’était fait prendre à son propre jeu, et pouvait croire difficilement ce qu’elle entendait.
et merci à Masque pour son aide sur ce dessin