Gray ... (4/4)
Amsu était grand, fort et presque beau, c'était surtout un chef né.
Mais il n'appartenait pas à cette race trop nombreuse malheureusement des chefs bornés et stupides.
Amsu, lui, était au contraire très intelligent.
Pas autant bien sûr que tout les savants du monde entier qui se trouvaient là sur le site avec lui, mais assez cependant pour que tous lui accordent leur confiance.
Surtout un, un français dépêché par le centre franco-égyptien d'étude des temples de Karnak, un vieil archéologue qui dirigeait les recherches comme Amsu dirigeait le camps et commandait les manœuvres.
Rien de ce qui n'entrait ou ne sortait du campement lui était étranger. C'est par lui, Amsu - égyptien d'Égypte comme d'autres sont écossais d'Écosse - que tous et tout passait.
Aussi avait-il demandé qu'on lui remette à lui cette lettre venue directement de France pour le professeur Clairembart, le vieil archéologue français, ami de Amsu.
D'ordinaire, ce n'était pas à lui de porter les messages, mais tout ce qui touchait de près au courrier destiné aux savants de l'expédition le concernait.
Il préférait toujours s'en occuper lui-même.
C'était la raison pour laquelle, alors que le soleil commençait à décliner dans le ciel, que tout autour de lui se teintait d'orange, de jaune et d'ocre et qu'une partie du ciel se violaçait lentement, qu'Amsu marchait à travers le camp.
Ce campement qu'on avait établi quinze auparavant devant le grand site de Karnak, près du temple d'Amon.
Amsu longea les grandes tentes alignés contre plusieurs quartiers de roche brunâtres, passa devant les morceaux déchiquetés d'une colonne qu'on avait déterré la première semaine des fouilles, puis, empruntant l'escalier creusé à même le sol, pénétra dans la tranché bordant le temple.
Tout le long, plusieurs hommes et femmes s'affairaient encore, bien que la journée de travail touche à sa fin.
D'autres passaient devant Amsu, transportant des caisses de bois dans lesquelles on avait rangé en ordre et étiquetés plusieurs éclats de pierres.
La fatigue d'une journée de labeur aidant, seul résonnaient encore les ordres des chefs d'équipes et les bruits assourdis des derniers travaux.
Serrant toujours la lettre dans sa main gauche, Amsu avança encore, parcourant le dédale des tranchés noyés d'ombres bleue, brune et violette, et qui s'entrecroisaient follement, suivant pourtant un ordre bien précis.
Cet ordre, on eut pu le croire connu seulement des dieux, pourtant, ce ne devait pas être le cas, puisque Amsu - simple mortel - se dirigeait sans peine dans ce labyrinthe.
Il n'hésitait pas. Il savait où trouver le professeur.
" Du moins, songea Amsu, ... je le sais à la condition que ce diable d'homme veuille bien rester plus de dix minutes à la même place ! Ce qui est rarement le cas !! "
la chance devait être avec Amsu, car il trouva le vieil archéologue exactement là où il l'avait laissé il y a une heure à peine. Ce qui était un véritable miracle en soi qu'il aurait fallut fêter dignement.
Amsu s'approcha en agitant la lettre.
- Professeur ! Professeur !!
Groupé autour de plusieurs manœuvres, un homme se retourna. Un petit homme, presque un vieillard.
De son visage brunit par le sable du désert se détachait ses cheveux d'un blanc presque immaculé.
Tout comme sa fine moustache et la barbiche de chèvre que le savant ne cessait de tirailler de sa main droite, tandis qu'Amsu s'approchait.
- Amsu ! ... Que se passe-t-il ?! Un ennui ?!?
L'interpellé secoua vivement la tête dans un signe de dénégation.
- Du tout ! ... Une simple lettre ... Pour vous ... Venue de France !!
La surprise la plus sincère se peignit sur les traits du visage - un visage étonnement jeune encore - du vieil archéologue. Sans attendre, il prit la lettre que le chef du camp lui tendait.
- De France, soliloqua le professeur Clairembart, ... De France ... Serait-ce le gouvernement qui aurait décidé de mettre un terme à nos petits travaux ici, ou bien ...
Amsu eut un geste d'ignorance.
- Je ne pourrais pas vous le dire ...
Des yeux - des yeux clairs mais blottis derrière les verres épais de larges lunettes cerclés d'acier - des yeux, donc, le savant parcouru en tout sens l'enveloppe couverte de poussière, la retournant sans cesse entre ses doigts squelettiques.
Son visage s'illumina lorsqu'il trouva enfin ce qu'il cherchait : l'adresse du destinateur.
- Bob ! s'exclama Clairembart, ... Ce vieux Bob ! Allons ... Que lui arrive-t-il encore ?!?
Vivement, le vieil archéologue se tourna vers Amsu. Il dit :
- Je vais lire cela au calme ! Veillez à ce que le troisième groupe remonte la statue du grand couloir, d'accord ?
Amsu opina de la tête, puis lui et le groupe de manœuvres regardèrent le vieux savant s'éloigner d'un pas rapide, presque bondissant.
Assurément, chacun des hommes de l'expédition devait jalouser secrètement l'étonnante forme physique du vieux professeur, encore vert alors qu'il avait passer depuis longtemps son soixante-dixième anniversaire ...